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Sport : 2010-2020 : Une Décennie Anglaise ?

By Matthieu Boisseau
13/10/2010

Comme une éternelle rengaine, chacune des rencontres sportives entre la France et l'Angleterre donne lieu au même florilège de termes belliqueux.  « La rivalité sportive séculaire »  est évoquée avec passion par les supporters des deux camps, redoutant le fameux «coup de Trafalgar», et espérant plus que tout « battre leurs meilleurs ennemis». Ces expressions sont, pour reprendre les délicieux  propos de Serge Simon et Darren Tulett dans Un siècle de rivalité sportive, les ultimes vestiges d'une « mésentente cordiale » héritée du Moyen-Âge, et qui tiendra en haleine pendant longtemps encore les deux pays. Dans des duels acharnés, empreints d'autant de respect que d'animosité, le coq et la rose ne s'affrontent pas seulement pour la victoire ; il est aussi et surtout question de fierté nationale et de suprématie territoriale. De ce fait, Franceinlondon.com, pronostiqueur avéré et grand adepte de ces joutes mémorables, a tenté de savoir lequel des deux pays brillera lors des JO 2012 à Londres, pendant la Coupe du Monde de Rugby au Royaume-Uni en 2015, ou au cours du Championnat d'Europe de football en France en 2016. Suspense insoutenable, que dis-je, enjeu de société : il faut pour prédire l'avenir, s'intéresser à ceux qui l'incarnent, c'est-à-dire les jeunes athlètes. Ce sont ces espoirs d'aujourd'hui, champions de demain, qui détiennent les clés d'une rivalité immensément riche en anecdotes croustillantes et en évènements mémorables.

 

Formation : Le modèle français

 

Une « vocation ». C'est avec ce terme – assez présomptueux, convenons-en - que les champions reviennent sur leur spécialisation dans un sport. Quels que soient les pays, ce processus se fait, par définition, relativement tôt : entre 6 et 16 ans. Si l'âge est le même, les organismes au sein desquels s'effectuent les formations des athlètes français et anglais sont radicalement différents.

En France, trois filières notables permettent l'accession des jeunes athlètes vers le haut niveau. Tout d'abord, ce sont les 167 000 clubs qui sont les plus grande pourvoyeurs de champions. Les fédérations auxquelles ils sont affiliés  mettent en effet en place un réseau de recruteurs prompts à intégrer les joueurs les plus doués dans des structures fédérales. Pour preuve, quelques uns des meilleurs joueurs ayant évolué en Premier League sont issus de l'INF Clairefontaine, un centre de formation français regroupant les meilleurs jeunes issus de toute la France. William Gallas, Thierry Henry, ou encore Nicolas Anelka - qui n'ont pas toujours été "les Grévistes de Knysna" - sont passés par ce camp d'entraînement fédéral de grande qualité.

 

Clairefontaine training center
Le centre d'entraînement de l'INF Clairefontaine

 

Il existe d'autre part un cursus dit de « sports-étude », proposé par près de 200 collèges et lycées. Cette filière permet de combiner les études classiques et la formation au sport de haut niveau. Autrement dit, sont développées simultanément « la tête et les jambes », ce qui donne à ces athlètes un avantage indéniable quand vient l'heure de la reconversion. Ce système, créé à la fin des années 1960, offre un programme "sur mesure" aux athlètes en devenir : cours le matin et entraînements l'après-midi. A Roubaix, dans le nord de la France, le lycée Van-Der-Meersch propose par exemple une section sport-études « cyclisme sur piste », dont est issu Arnaud Tournant, athlète tricolore sacré 14 fois champion du monde. Enfin, le sport scolaire français, bien que plus marginal qu'en Angleterre, bénéficie lui aussi d'un réseau d'éducateurs qui orientent immédiatement les jeunes "à fort potentiel" vers des structures de haut niveau. Ce fut le cas du nageur Frédérick Bousquet, septuple champion d'Europe, qui a commencé la natation  lors des compétitions organisées par l'UNSS (Union nationale du sport scolaire). En d'autres termes, avec un système très structuré et une grande variété de disciplines proposées, tout est mis à la disposition des jeunes athlètes français pour qu'ils récoltent le plus de médailles possibles...

 

Difficile d'en dire autant de "l'organisation" anglaise, axée sur le seul sport scolaire. Celui-ci repose principalement sur l'adhésion des étudiants aux associations sportives des écoles qui proposent des entraînements après les cours. De ce fait, si une continuité est assurée entre les études et le sport, la formation britannique ne bénéficie ni des infrastructures, ni du réseau de recruteurs de son homologue français. Comme aux États-Unis, ce sont donc les rencontres inter-écoles, comme les Sainsbury's UK School Games, qui font office de tremplins pour les jeunes talents. Deux des plus grands athlètes anglais, le double champion olympique du 1500 m Lord Sebastian Coe et la recordwoman du monde du marathon Paula Radcliffe, se sont par exemple révélés en défendant les couleurs de leur université, la Loughborough University. Pourtant, aussi étrange que cela puisse paraître, le cursus scolaire anglais n'accorde qu'une place marginale au sport, ou plutôt à la « physical education ». La « PE » n'est en effet pas une épreuve obligatoire lors du A-Level – le diplôme équivalent au baccalauréat français -, alors que, dans le même temps, chaque lycéen français doit s'acquitter de ses 3 tours de piste s'il veut obtenir son précieux diplôme. Alors, les jeunes anglais sont ils vraiment moins sportifs ?

 

Sainsbury's UK School Games
Les Sainsbury's UK School Games
 

Une partie de l'explication se situe en fait dans la manière dont est défini le sport dans le Code du Sport français. Élément constitutif de l'intérêt général, il contribue « à la lutte contre l'échec scolaire, à la réduction des inégalités sociales et culturelles, ainsi qu'à la santé ». De ce fait, pour protéger ce qui est « un élément important de l'éducation, de la culture, de l'intégration et de la vie sociale », le gouvernement français a, depuis 50 ans, mené une politique interventionniste pour faciliter l'accès au sport chez les jeunes. Sous l'impulsion du général de Gaulle, dont « la certaine idée de la France » ne pouvait tolérer le désastre des JO de Rome en 1960  (5 médailles seulement et aucun titre olympique), des projets ont permis de développer le sport de haut niveau en France. En fin stratège, le «Grand Charles» était bien conscient que le sport, lui aussi « opium du peuple », était un excellent moyen de faire reconnaître la France sur la scène internationale, et d'apaiser les éventuelles tensions sociales à l'intérieur du pays. Entre sport et politique, il n'y a qu'un pas que le Général n'a donc pas hésité à franchir. Cet interventionnisme a longtemps permis à la France de bénéficier d'excellentes infrastructures, comme le Centre en Altitude Font-Romeu, créé en 1968 et l'Institut National des Sports ou INSEP, fondé en 1975. Des 300 centres dédiés aux élites sportives, ce dernier est le plus connu. Il offre les mêmes conditions d'entraînement à tous les sportifs, obscurs lutteurs ou basketteurs superstars. Cette particularité fait de cet institut l'un des principaux acteurs de l'incroyable réussite française dans des disciplines pourtant confidentielles comme l'escrime. Rappelons à ce sujet que les escrimeurs, dignes héritiers de D'Artagnan, ont été les sportifs  français les plus prolifiques aux Jeux Olympiques, avec 115 médailles depuis 1896. Par ailleurs, l'INSEP a formé des champions tels que le judoka Teddy Riner ou la tenniswoman Amélie Mauresmo,  qui a réussi là où Napoléon avait échoué en allant s'imposer sur le sol anglais lors de Wimbledon 2006.

 

 

JO 2012 : le remède miracle ?

 

Pourtant, conjoncture économique oblige, les investissements publics ont été drastiquement restreints depuis le début des « Trente Piteuses », à tel point que les équipements sportifs fédéraux, fleurons de la formation « à la française », sont devenus obsolètes. Comme un symbole, certains athlètes formés au sein d'institutions publiques ont rejoint l'étranger, à la manière des boxeurs français contraints de s'exiler. D'autres rejoignent des structures privées comme le Team Lagardère, qui a vampirisé jusqu'en Juillet 2010 les centres d'entraînement fédéraux de tennis. C'est donc le « modèle français » qui décline considérablement, emportant avec lui une conception socialisée de la formation vers le sport de haut niveau.

As Whitney said
Tom Daley : Le Futur de la Grande-Bretagne ?

 

De son côté, pour remédier à la place trop marginale du sport chez les jeunes,  et à  l'insuffisance de ses infrastructures et équipements, l'Angleterre s'est dotée de moyens palliatifs substantiels. Fer de lance du renouveau du sport anglais, le Département de la Culture, des Médias et du Sport a été créé en 1997, lors de l'arrivée de Tony Blair. Poursuivant la timide politique de développement du sport initiée par John Major, les Travaillistes ont redonné à l'activité physique et sportive un rôle conséquent dans la société britannique. S'il a fallu attendre 2002 et la promulgation du Game Plan,  pour avoir la trace d'un texte de loi promouvant «le sport pour la santé », la place occupée par le sport au Royaume-Uni a considérablement évolué. L'orientation de cette politique sportive a été confiée à des organismes de financement et de contrôle indépendants, ou non-departmental public bodies, nommés UK Sport et Sport England. Leur action s'est étendue à trois domaines. Tout d'abord, dès 1994, ils ont contribué à rétablir des taux « décents » de pratique sportive chez les jeunes, avec la fondation de l'organisme Young Sport Trust. Ensuite, ils ont développé, avec l'English Institute of Sport, un réseau de centres pour les sportifs de haut niveau. Rendez-vous compte que la situation était si critique pour les Anglais qu'ils en sont allés jusqu'à demander conseil à leurs homologues français de l'INSEP ! Enfin, grâce l'organisation de la National Lottery, d'ambitieux projets ont été menés avec succès : l'obtention des JO 2012 (au détriment de la France, tout un symbole...), de la Coupe du Monde de Rugby 2015, et peut-être de la Coupe du Monde de Football 2018. Ils consacrent en fait 15 ans d'un volontarisme politique qui a, lentement mais sûrement, insufflé un nouvel élan au sport Britannique. Ce n'est donc pas un hasard si, après avoir été dominée à chaque olympiade depuis 1988, la Grande-Bretagne a devancé la France à Pékin en 2008 (19 médailles d'or contre 7). Fidèle à leur légendaire pragmatisme, les Britanniques ont uniquement subventionné les sports les plus à même de remporter des médailles, comme le cyclisme et l'aviron. Un exemple à suivre pour les Français ?

 

En conclusion, l'efficace – bien que très (trop ?) dispendieuse - politique britannique a permis de combler le retard qu'avaient pris les Anglais sur leurs voisins outre-Manche. Elle leur laisse  même entrevoir de belles promesses pour la décennie à venir, une occasion unique pour l'Angleterre de montrer qu'elle est à la hauteur du pari fou qu'elle s'est lancée : accueillir trois des plus grands évènements sportifs de la planète en 6 ans. What else ?

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