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Culture

Les livres à lire en décembre - Solange les recommande

By Solange de La Page
22/11/2016

Tropique de la violence, Natacha Appanah, collection Blanche, Gallimard

Mayotte, confettis français sur l’Océan indien, est un concentré des problèmes du monde : crise migratoire sans précédent, chômage endémique, désastre écologique, questions identitaires… « Là-bas aussi les enfants meurent sur les plages », mais si loin de l’Europe.

Plus de trois mille « mineurs isolés » vivraient sur l’île. Ce vocabulaire administratif recouvre une réalité plurielle : enfants dont les parents sans papiers ont été expulsés, enfants abandonnés là par des parents espérant leur donner ainsi une chance de vie meilleure, enfants mahorais livrés à eux-mêmes… Que deviennent ces enfants perdus à l’adolescence ? Déscolarisés, désœuvrés, enrôlés de gré ou de force par les chefs de gangs, proies faciles pour les dealers, ils survivent dans le quartier défavorisé de Kaweni, que ses habitants appellent Gaza, le plus grand bidonville de France. C’est leur histoire que raconte Natacha Appanah dans ce roman bouleversant.

Polyphonie mêlant la voix des vivants et des morts, construit comme une tragédie antique, Tropique de la violence donne la parole à cinq personnages. Marie, mère adoptive de Moïse ; Moïse, l’enfant sauvé des eaux, 15 ans ; Olivier, policier ; Bruce, 17 ans « chef de guerre », maître incontesté de Gaza ; Olivier, bénévole dans une ONG. Autour de la figure centrale de Moïse, chacun va raconter, dans la langue qui lui est propre, l’enchaînement implacable qui a conduit au drame. L’auteure – journaliste avant d’être écrivain – dit avoir préféré le romanesque car il « permet une sincérité et une vérité que ne permet pas l’article de journal ou l’essai ».

Le choix d’une fiction à cinq voix lui laisse toute latitude pour donner un passé, des rêves, des doutes à chacun de ses personnages, sans porter de jugement. Le lecteur se retrouve au plus près de chacun, en empathie. Face à l’insupportable, l’imaginaire offre aussi un endroit où se réfugier, dans cette île où l’on croit aux fantômes et aux djinns, cette île paradoxale et magnifique où la beauté de la végétation tropicale, du lagon aux eaux « émeraude et opaline », côtoie l’extrême violence.

En refermant ce court roman le souffle coupé, les yeux dessillés, nous ne pourrons plus dire « nous ne savions pas. »

Les cosmonautes ne font que passer, Elitza Gueorguevia, Verticales.

 
Les Cosmonautes ne font que passer
Les Cosmonautes ne font que passer
République populaire de Bulgarie, 1988 : une fillette de sept ans (on ne saura pas son nom) entre à l’école primaire Youri Gagarine. Elle se prend aussitôt de passion pour l’histoire de la conquête spatiale et décide de devenir cosmonaute, même si, autour d’elle, les filles veulent plutôt être « infirmières, ballerines, ou pareil que maman ». Cette première rentrée est aussi l’occasion de rencontrer Constantza, une fille « scintillante », une « peste », une concurrente et une « meilleure amie par défaut ».
Pas facile de mener à bien ce projet quand seul son grand-père la soutient.
D’autant plus que le Mur de Berlin tombe, et avec lui, « tout le communisme ». Le camarade Président voit son mandat de trente-cinq ans se terminer brutalement, l’école change de nom, on n’appelle plus la directrice camarade mais madame. Ensuite vient l’ère de la Transition démocratique : liberté d’expression, pénuries dans les magasins, économie de marché, réseaux mafieux, arrivée de MTV… Le pays se transforme radicalement et dans le même temps, l’enfant est confrontée aux changements physiques et psychiques de l’adolescence : dans son panthéon, Kurt Cobain prend la place de Iouri Gagarine : c’est décidé, elle renonce à sa carrière de cosmonaute pour devenir punk-grunge-rockeuse. 
 
Elitza Gueorguieva, comme son héroïne, est née en Bulgarie en 1982. Elle se replace à la hauteur de l’enfant qu’elle a été, regardant le monde par ses yeux, et s’adresse à elle à la deuxième personne. Le ton est toujours juste et jamais on n’a l’impression d’un langage enfantin artificiel. Le décalage entre la réalité complexe et ce qu’elle en comprend du haut de ses sept ans est très drôle. Mais l’humour est aussi teinté d’une profonde nostalgie. La jeune romancière se défend de regretter le régime communiste, « ce serait absurde », mais elle a la nostalgie du monde de son enfance, un monde dont les « traces visuelles, palpables», ont été effacées. Un premier roman original et prometteur.

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