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Politique/Economie

Faut-il dire « Madame LE président » ou « Madame LA présidente » ? Académie française vs. Assemblée nationale

By Marie Decreme
27/10/2014

Incident à l’Assemblée le lundi 6 octobre : le député UMP Julien Aubert s’est obstiné à appeler la présidente de séance Sandrine Mazetier (PS) « Madame le président » et non « Madame la présidente », après plusieurs rappels à l’ordre. Le parlementaire a finalement écopé d’une amende... « Scandaleux » pour certains, « il l’a cherché » pour d’autres.

Un accrochage dans l’hémicycle, ce n’est pas une première ! Mais les punitions sont moins courantes. L’attitude de M. Aubert a été jugée trop « provocatrice » selon Claude Bartolone, Président de l’Assemblée. Le député avait en effet été prévenu à plusieurs reprises : « Respectez la présidence de séance (...), utilisez la formule ‘Madame la présidente’ (...), ou vous ferez l’objet d’un rappel à l’ordre inscrit au procès-verbal ». Avertissement auquel il a répondu « faites-donc Madame le président (...), j’utilise les termes de l’Académie française. » Claude Bartolone a finit par trancher : « Ce n’est pas l’Académie française qui fixe les règles de l’Assemblée nationale, c’est le bureau. » Et ces deux petites lettres auront coûté 1378 euros à Julien Aubert... qui n’en était pas à son coup d’essai : en janvier dernier, la même dispute avait eu lieu dans l’hémicycle, mais c’est Sandrine Mazetier qui avait eu le dernier mot. Elle lui avait répondu: « Monsieur LA députée, vous étiez la dernière oratrice inscrite. »

Académie française vs. Assemblée nationale... l’un des débats dont la France a le secret ! Cette querelle autour de la féminisation des titres remonte à une trentaine d’année, même si c’est la première fois qu’elle fait l’objet d’une sanction. La plupart des députés de droite refusent au même titre que l’Académie française cette féminisation des fonctions. Pourquoi ? Parce que « seul le genre masculin (...) peut traduire la nature indifférenciée des titres, grades, dignités et fonctions. » Autrement dit, la fonction politique ne doit pas être assimilée à la personne qui l’occupe.

On pourrait croire que les français sont les seuls à discutailler la question... Eh bien non ! Même chose au Royaume-Uni, où l’on utilise de plus en plus des équivalents neutres pour ne pas avoir à choisir entre chairman et chairwoman par exemple. Chez les anglo-saxons, on parle de chairperson ou encore de chair tout court.

Beaucoup de chichis me direz-vous... Mais l’incident du 6 octobre a déterré un problème de société bien plus profond. Explication : « Ambassadrice » dans le dictionnaire de la l’Académie française désigne « la femme d’un ambassadeur » (et non pas une femme ambassadeur), tout comme le mot « présidente » renvoie à « la femme d'un président. » Seulement, il n’existe aucun terme pour qualifier la personne qui serait le mari... de Madame le président. C’est là que ça coince : l’Académie française refuse la féminisation des titres afin que la fonction politique reste neutre, qu’elle ne se confonde pas avec la personne qui l’occupe. Mais puisqu’il existe une formule pour nommer l’épouse du président ou de l’ambassadeur, les mots utilisés pour désigner ces fonctions semblent avoir été taillés pour des hommes. Léger doute alors sur cette idée de « nature indifférenciée » des titres, que le masculin est censé traduire... La question de la féminisation des fonctions est en réalité très symbolique et non linguistique.

Dictionnaire de l'Académie française

Le fait est qu’aujourd’hui, les femmes ont des responsabilités, que ce soit en entreprise, en politique ou autres. Il y a plus d’un quart de femmes députées à l’Assemblée nationale... 155 députés – et non députées, si l’on en croit les règles de l’Académie. Il est vraiment temps de réaliser que la parité a aussi sa place dans la langue (et à l’Académie d’ailleurs, qui ne compte que cinq femmes sur ses quarante immortels !). La féminisation des titres est trop souvent synonyme de dévalorisation en linguistique : en France, on ne saurait être directrice de cabinet, conseillère d’Etat, rédactrice en chef, mais directeur de cabinet (et pourtant, directrice d’école), rédacteur en chef, conseiller d’Etat. De même qu’une actrice au Royaume-Uni préfèrera qu’on la désigne comme an actor, plutôt qu’an actress : un métier féminisé perdrait de son prestige, de sa valeur d’autorité. Et ça c’est LE problème.

Quoiqu’il en soit, la cause de la féminisation avance et sa légitimité n’est plus à démontrer. Les querelles sur « le » ou « la » ministre, lorsqu’une femme occupe ces fonctions devraient bientôt appartenir au passé – du moins espérons le – notamment grâce aux médias, qui ont assimilé le sens de cette féminisation. La démarche progresse. Alors secouons cette Académie !

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