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Isabelle Boulay
Culture

Interview d’Isabelle Boulay sur son dernier album Merci Serge Reggiani

By Marie Decreme
19/09/2014

Isabelle Boulay nous parle de son dernier album sorti en mai dernier, Merci Serge Reggiani. L’occasion de revenir sur les vingt ans de carrière de la chanteuse québécoise, très populaire au Canada, en France et en Belgique.

FranceInLondon: D’où vous est venue cette idée de revisiter le répertoire de Serge Reggiani, pourquoi sa musique ?

Isabelle Boulay: J’ai toujours beaucoup aimé cet artiste. Dans le passé, j’avais déjà interprété deux de ses morceaux, Ma fille et Le petit garçon, quand j’avais vingt ans. Et au printemps dernier, j’ai réalisé que j’avais toujours une de ses chansons en tête, pas une fois la même. A ce moment là, plusieurs personnes que j’ai croisées par hasard m’ont conseillée de chanter du Reggiani à nouveau. Un jour, dans une librairie, un homme de quatre-vingt ans est venu voir, et m’a dit : « Je vous ai entendue à la radio reprendre des chansons de Serge Reggiani, vous ne voudriez pas en faire un album ? ». J’ai alors réfléchi, c’est un interprète qui a beaucoup compté pour moi... Et interpréter, c’est mon métier, il est un modèle pour moi.

FIL: Vous avez eu la chance de chanter avec lui il y a dix ans, comment s’est passée cette rencontre ?

IB: J’ai chanté avec lui un peu plus d’un an avant son décès: son producteur savait que je l’aimais beaucoup, et m’a donc proposé de le rencontrer, j’étais très émue. Je me suis rendue à son appartement, boulevard Suchet à Paris. Quand je suis arrivée chez lui, sa femme et son pianiste étaient là, nous avons beaucoup parlé, puis il m’a dit : « Et si on se mettait au travail ». C'est là que j'ai compris que je venais d’être reçue en audition et nous nous sommes mis à chanter, il m’a donné rendez-vous le lendemain au Palais des Congrès, c’était magique.

FIL: Quel souvenir gardez-vous de ces moments partagés avec lui ?

IB: Je me souviens que sa femme était toujours avec lui, elle restait dans les coulisses. A chaque fois qu’il terminait une chanson sur scène, ils se regardaient, et d’un signe de tête elle lui faisait comprendre qu’il l’avait réussie. Une fois sur scène avec lui, je me suis sentie privilégiée au milieu de cet échange amoureux, de ce regard si intime. 

FIL: Comment vous rappelez-vous de lui, quel genre d’homme était Serge Reggiani ?

IB: Il était quelqu’un de très intègre, de lucide... A la fois rigoureux, exigeant, et hyper sensible. Quand il nous regardait, on retrouvait l’espièglerie qu’ont les enfants, son regard d’enfant ne l’avait jamais quitté. Il avait ça en lui, ça le transfigurait, ça lui donnait un air de gamin.

Le dernier album d'Isabelle Boulay

FIL: Cet album hommage reprend aussi des mots et musiques d’icones de la chanson française, comme Moustaki, Marnay... Comment aborde-t-on et réarrange-t-on un tel répertoire ? Faut-il imiter, ou plutôt s’éloigner ?

IB: Avant tout, il faut respecter la forme originale, le classicisme des chansons, elles sont le fruit du travail de grands orfèvres. Il faut faire en sorte que ces morceaux soient projetés dans le monde d’aujourd’hui, mais avec le respect des formes d’hier. Je pense que la clé, c’est de trouver des gens comme Philippe B ou Benjamin Biolay.

FIL: Une nouvelle collaboration avec Benjamin Biolay, vous êtes décidément inséparables !

IB: Benjamin Biolay a cette manière de respecter les œuvres, il fait ça de façon naturelle, c’est ancré en lui. Et si je me suis tournée vers Philippe B, c’est parce je sentais qu’il allait comprendre ce que je voulais transmettre. Ils ont su tous les deux, à travers la réalisation, projeter les chansons comme je l’imaginais.

FIL: Il y a vingt ans, vous chantiez Le monde est stone en Marie-Jeanne. Luc Plamondon, Cabrel, Bruel, Reggiani... Vous avez fait des magnifiques rencontres dans votre carrière. Quel serait pour vous l’événement le plus marquant des vingt dernières années ?

IB: Il y en a eu tant... Je me souviens du jour où j’ai appris que Cabrel me prenait pour ses premières parties. Je devais avoir vingt-trois ou vingt-quatre ans, j’étais en train de faire une séance photo à Montréal. Lorsque mon manager est venu me voir et qu’il m’a dit « bonne nouvelle, tu vas faire la première partie des spectacles de Francis Cabrel », j’ai bondi dans le couloir ! J’avais envie de crier mais je ne pouvais pas – il ne fallait pas le dire tout de suite. J’étais tellement contente, il n’y avait pas une fille plus heureuse que moi.

Autre souvenir magnifique, quand Johnny Hallyday m’a invitée à chanter avec lui, à faire la tournée des stades en France. Il avait soixante ans. Pour moi, il était encore la légende que j’observais quand il venait s’entrainer dans la salle de sport où l’on était avec l’équipe de Starmania. Il est l’une de ces personnes qui ont une aura incroyable: on ne l’a pas encore vu mais on sait déjà qu’il est dans la pièce... Alors son invitation, c’était exceptionnel!

FIL: Finalement, à 42 ans, êtes vous là où vous l’aviez imaginé à vos débuts ?

IB: Je crois que j’ai réalisé des choses qui allaient au delà de mes rêves, j’aime vraiment beaucoup mon métier, c’est quelque chose de vital pour moi. Mais je peux vous dire que je rêve encore aujourd’hui.

FIL: On vous sent vraiment passionnée. Pour la suite, qu’est-ce qui est à venir ?

IB: Je vais reprendre mon rôle de jury à The Voice, fin octobre au Québec. En parallèle, je participe à une tournée avec un collectif d’artistes où l’on interprète des chansons de Jacques Brel. Et puis rapidement, je serai en concert en France en décembre, puis en Suisse et en Belgique. En mars, je fais un spectacle exceptionnel à Paris avec quatre musiciens, une reprise piano-voix des chansons de Reggiani.

Isabelle Boulay dans "The Voice"

FIL: Après Les Grands Espaces et Merci Serge Reggiani, un prochain album déjà en tête ?

IB: J’aimerai beaucoup faire un album de chansons originales pour pousser plus loin dans le folk, parce que comme la chanson réaliste, ça fait vraiment partie de moi.

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